Timour-Leng vient de conquérir la ville d’Akshéhir et ses informateurs lui apprennent qu’il y a dans cette cité, un homme, un certain Nasr Eddin Hodja, qui prétend être un grand mystique, capable de visions prophétiques. Le tyran le fait aussitôt chercher dans l’idée qu’il pourra peut-être lui dire si l’avenir s’annonce toujours aussi glorieux.
- Alors, il paraît que tu as des visions surnaturelles…
- Oui, seigneur, Allah a la bonté de m’en combler à chaque instant.
- Dans ce cas lui dit Timour, dis-moi quelle vision tu as en ce moment même, mais je te préviens que si tu n’en as pas, je te coupe la tête.
- Là-bas, très haut dans le ciel, déclame le Hodja d’un ton inspiré, je vois un envol d’ailes de feu, je vois un palais de diamant qui étincelle comme un soleil, je vois couler vers la terre les ruisseaux de lait du paradis d’Allah, je vois…
- Quelles visions extraordinaires : s’exclame Timour, saisi de vénération et de crainte. Ô grand saint ! Comment fais-tu pour voir ainsi au-delà des apparences, pour pénétrer dans les secrets divins ? Dis-moi, maître, quels efforts devrai-je accomplir moi-même pour être ainsi emporté dans les contrées célestes ?
- Il n’y a rien de spécial à faire : la peur suffit.
On dit qu’à la suite de cela, Timour, bon prince, prit le Hodja à sa cour comme bouffon.