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[Conte - La sagesse extravagante de Nasr Eddin] Figues et pastèques


contes

Pour calmer un peu les humeurs massacrantes de Timour-Leng, le sanguinaire, Nasr Eddin a l’idée d’aller lui offrir des fruits de son jardin. Il remplit un panier de figues et le voici parti vers le camp seigneurial. Ce qu’il ignore, c’est que le terrible Pied-de-fer a ce fruit en horreur. A peine le Hodja les lui a-t-il offertes qu’il en prend une bien mûre et la lui lance violemment au visage où elle vient littéralement exploser.


- Allah est grand ! s’exclame le Hodja


Furieux, Timour en lance une aître qui s’écrase sur son beau turban blanc.


- Grâces te soient rendues, Allah Le Bienveillant !


Et encore et encore, mais Nasr Eddin, le visage couvert de la chair des fruits et dégoulinant de jus, a l’air aux anges.


- Arrête ta comédie ! lui crie le tyran. Pourquoi remercies-tu stupidement le ciel ? Si tu voyais dans quel état tu es à présent !


- Il y a pourtant de quoi se réjouir, seigneur, car au lieu des figues j’ai failli t’apporter des pastèques !

 

Qui est Nasr Eddin ?


De longue date, de nombreuses histoires, comiques, généralement très brèves, mettent en scène un héros légendaire, fort peu « héroïque » d’ailleurs, portant le nom de Nasr Eddin. Ces histoires sont connues, appréciées et transmises par l’écrit ou oralement et ce dans des dizaines de langues, sur une aire géographique immense qui comprend notamment les territoires conquis et dominés d’abord par les Turcs seldjoukides à partir du XIème siècle puis par les Ottomans dont l’empire, qui comprenait aussi, entre autres, une partie de l’Europe balkanique et des pays arabes, se maintint jusqu’au début du XXème siècle.


Ce personnage est également célèbre et célébré en Perse, en Afghanistan, dans toute l’Asie centrale, et plus particulièrement dans les pays turcophones (Turkestan, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et jusque chez les Ouïgours de Chine). Il peut prendre alors des noms légèrement différents mais toujours reconnaissables.


S’ajoute à cela, l’empreinte de l’islam, car Nasr Eddin est toujours et partout musulman : même adopté et naturalisé par des communautés chrétiennes, arméniennes ou grecques par exemple, il se rend à la mosquée, il cite le Coran et invoque Allah, et va même dans certaines histoires jusqu’à exercer lui-même les fonctions d’imam. Ce nom de Nasr Eddin en revanche, qui signifie en langue arabe « gloire ou victoire de la religion » est trop répandu, trop banal pour prendre un sens particulier. On ne peut sans doute même pas y voir une allusion ironique, comme on dit d’un imbécile qu’il est une « lumière ». Quant au titre de hodja (ou mollah dans l’islam chiite, un degré inférieur dans la hiérarchie cléricale) dont il est souvent affublé, il désigne simplement en langue turque (hoca) un enseignant, c’est-à-dire dans le contexte de cette tradition un maître d’école coranique (medersa).


On peut ainsi se plaire à imaginer, sans en avoir de véritable preuve, que cette légende s’est diffusée au long des siècles dans le sillage des marchands qui suivaient la route de la soie, des pasteur nomades, des soldats, des fonctionnaires et des lettrés qui faisaient escortes aux conquérants.


Pour plus de contes et d’histoire de Nasr Eddin, je vous recommande le livre La sagesse extravagante de Nasr Eddin de Jean-Louis Maunoury aux éditions Albin Michel.

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