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La spiritualité comme antidote à la violence - Compte rendu de la rencontre du 6 avril 2017


Bismilahi Rahmani Rahim


Ce billet est à lire comme un compte rendu non exhaustif d’une rencontre qui a eu lieu le jeudi 6 avril 2017 à l’Institut du Monde Arabe dans le cadre des Jeudis de l’IMA. Je remercie le Ciel de m’avoir permis d’assister à cet événement si enrichissant et instructif. Si ce compte rendu contient des erreurs, celles-ci sont imputables à ma mauvaise restitution (n’hésitez pas à m'en faire part), et, s’il regorge d’enseignements et de sagesses, cela revient à Dieu et à Sa miséricorde, ainsi qu’à l’éloquence des intervenants. Puisse t-Il nous donner sagesse et discernement. Amin


Le débat avait pour thème ''La Spiritualité comme antidote à la violence.'' Il fut proposé par Maati Kabbal et a été animé par Slimane Rezki et avait pour thème :


Les intervenants

Courte présentation du modérateur et des intervenant.e.s


Slimane REZKI : diplômé en sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), auteur, traducteur, conférencier, spécialiste de l’œuvre de René Guénon et du soufisme.


Cheikh Khaled BENTOUNES : actuel guide spirituel de l’ordre soufi alawi. Écrivain, pédagogue, conférencier, il est le fondateur de nombreuses associations de promotion de la paix et du vivre-ensemble et notamment de l’ONG AISA internationale – Association Internationale Soufie Alawiyya.


Ghaled BENCHEIKH : islamologue, théologien et philosophe, animateur et producteur de l’émission Questions d’Islam sur France Culture.


Eric GEOFFROY : expert dans la pensée et la spiritualité islamique, spécialiste du soufisme et du cheikh Al Alawi dont l’ouvrage qu’il a publié au Seuil, « Un éblouissement sans fin » (2014), étudie en profondeur le diwan, recueil poétique.


Inès SAFI : polytechnicienne, est chercheuse au CNRS en physique quantique. Elle développe des théories reconnues et utilisées sur le plan international. En parallèle, elle contribue, à travers des tribunes et des conférences, à réhabiliter la place des sciences, du féminin et de l’altérité en Islam. Elle est co-auteure de livres portant sur le dialogue entre sciences et foi. Elle travaille aussi sur la cosmologie du cheikh El Alawi, sujet d’un exposé qu’elle a donné à l’Unesco.


Le débat a été suivi d’une partie artistique : lectures de poèmes et de textes du cheikh Alawi et de Ibn Arabi notamment par Carole Latifa Ameer co-fondatrice du collectif Dervish Project et par la poétesse Syrienne Rime AL SAYED, puis, d'une partie musicale avec :

Françoise Atlan

Anass Benmoussa

Le collectif d’artistes le Dervish Project

Et le chœur de la confrérie Alawiyya


Anass Benmoussa & Françoise Atlan

Qu’est-ce que la violence ? Pourquoi Dieu a-t-Il permis l’expression de la violence dans la nature ? Pourquoi Dieu a-t-Il permis l’expression de la violence dans la révélation ?


Il faut dire que la lecture unique littéraliste est problématique notamment de par les certitudes qu’elle avance. La question de la violence est une question ancienne. Elle est commune à toutes les traditions, qu’elles soient spirituelles ou philosophiques. Il faut donc faire attention à ne pas prendre nos opinions pour des certitudes et des vérités absolues et faire attention à ne pas lire le Coran avec un esprit étroit et fermé.

"I.S" "G.B" "K.B" "E.G"


Comment lisons-nous le Coran ? Que voulons-nous en retirer ?


Le Coran, s’il est la parole éternelle et incréée de Dieu comme le disent certains exégètes, est donc vivant. Ce n’est pas que des mots et des phrases, il porte en lui un esprit, une force, une énergie. Si nous le lisons comme un livre de droit, ou un livre historique ou encore comme un livre de science nous nous éloignons de l’essentiel.


Il faut savoir que le fiqh – droit et jurisprudence islamique ne se base que sur 8% de versets coraniques. Comment peut-on enfermer le Coran dans ces 8% de notre compréhension ? En effet, c’est à partir de ces 8% qu’est construit tout l’aspect juridique de la vision musulmane.

K.B


L’importance de la sira – vie du prophète


Il faut en revenir aux sources et donc aussi à la sira – vie du prophète, qui est en quelque sorte son curriculum vitae. Comment résolvait-il les problèmes sociaux ? Comment se comportait-il avec les juif.ve.s, chrétien.ne.s et non musulman.e.s de façon générale ?


- L’histoire du prophète à Khaybar par exemple est très instructive, puisqu’il y a résolu le conflit avec la tribu juive qui avait rompu le pacte qu’elle avait avec les Musulmans et a même fini par épouser Safiya (sa femme juive), en expliquant qu’ainsi, ils formaient une seule et même famille. Personne ne pourrait donc venir les punir même s’ils étaient juifs puisqu’ils faisaient désormais parti de la famille du prophète.


- Un autre exemple est le passage du prophète à Taïf où il subit jet de pierre, railleries, crachats, insultes, moqueries et fut même blessé. Lors de cet épisode, il ne disait rien d’autre que « ô Dieu, pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font », reprenant ainsi la parole de Jésus.


Au lieu de mettre en avant la sira – vie du prophète, certains préfèrent mettre en avant des hadiths apocryphes. Pourtant, la sunna – tradition du prophète, tout comme sa sira – vie du prophète, est emprunte d’amour et de rahma – miséricorde, tant envers les Juifs et les Chrétiens, qu’envers les Non Musulmans de façon générale. Il est important de le rappeler et de l’enseigner.


Lorsque l’on regarde la vie du prophète, il y a parfois des apparentes contradictions dans la façon dont il traitait Juifs et Chrétiens, mais, comme on le verra un peu plus loin, le contexte est important. De plus, dans ces situations apparemment contradictoires, il faut toujours se référer au Coran comme le recommandent les savants. En occurrence, Dieu dit dans le Coran :


« Et Nous ne t’avons envoyé qu'en miséricorde pour les mondes » (Coran 21, 107)


En effet, à plusieurs reprises, dans les épreuves et l’adversité, des personnes sont venues le voir pour qu’il maudisse ceux et celles qui leurs causaient du tort ainsi qu'aux musulmans, et il répondait qu’il n’avait pas été envoyé pour cela.

"K.B." "G.B" "S.R"


Le mystère de la nature de l’homme et le débat pré éternel


On peut se demander : si l’être humain a été créé à partir du souffle divin, à partir d’un acte d’amour, pourquoi Dieu dans Sa bonté et dans Sa Toute Puissance ne lui a-t-Il pas épargné la capacité d’être violent ? Pourquoi laisse-t-Il agir la force maléfique qu’est Ibliss ? Pourquoi n’a-t-Il pas renoncé quand les êtres angéliques ont exprimé leurs craintes que l’archétype adamique ne répande le sang et les destructions sur terre (Coran 2,30) ?


Pourtant sa réponse fut : « J’ai la connaissance de ce que vous ne savez pas » (Coran 2,30)

Et dans un autre verset : « vous n’avez reçu de la connaissance que peu » (Coran 17,85)

Le mystère est ici affirmé et il ne saurait être percé. Cependant, nous pouvons essayer d'en réduire l’épaisseur.


On constate que le débat pré éternel portait sur l’Homme alors que ce dernier n’existait pas encore. Les anges savaient que l’Homme ferait couler le sang sur terre et qu’il était injuste. Que comprenons-nous de ce dialogue ?

I.S.


Il y a quelque chose qui indique que ce khalifa – lieutenant de Dieu sur terre pouvait être enclin à la violence. Adam n’est pas l’Homme. Les anges parlaient ici du réceptacle de l’Homme en tant qu’être, animal, surgissant dans la chaîne de la création. Adam est une conscience, c’est celui qui a reçu les noms, et, par conséquent, toutes les possibilités. Il est celui qui a reçu la connaissance et cette dernière fait toute la différence.


Le connaissant est celui/celle qui agira en toute circonstances avec justice et bel agir. Ces deux notions sont d’ailleurs celles par lesquelles se terminent tous les sermons du vendredi, et cela, dans toutes les mosquées du monde depuis 14 siècles.


Le connaissant est celui/celle qui est juste. Mais que faisons-nous de ces concepts (justice et bel agir) ?


Dieu n’appartient pas aux musulman.e.s ni au prophète Muhammad. Il appartient à l’humanité toute entière et nous avons le choix de croire ou de ne pas croire mais le principe de l’unité dépasse même la croyance puisque l’humanité surgit d’une même source.

K.B


Les choses et leurs opposés


Concernant le mystère évoqué précédemment, il faut rappeler que le dévoilement de réalités supra rationnelles, donc indicibles, est à la portée de Maîtres spirituels qui nous en ont transmis quelques lueurs. Une de ces lueurs nous est rapportée par le cheikh Ahmed El Alawi qui écrit :


« Les choses se trouvent cachées dans leurs opposés, et, sans l'existence des opposés, Celui qui oppose ne serait pas manifesté. »

On est ici au-delà du schéma d’Aristote du tiers exclu. Non seulement une chose et son opposée peuvent ainsi coexister, mais elles sont même nécessaires l’une à l’autre. La tension entre le bien et le mal peuvent être créatrices même formatrices sur la voie de l’éveil spirituel.


On pourrait ici penser à l’imploration de Dieu lors de l’épreuve or cela relève de ce que l’émir Abdelkader appelait « l’adoration viciée ». La tension entre le bien et le mal invite plutôt à dépasser la dualité en vue du tawhid – unicité, de l’expérience intérieure et vivifiée de l’unicité, en se détachant des causes secondes, illusoires, pour se remettre en toute confiance au Seigneur :


« Celui qui a trouvé Dieu n’a rien perdu » Ibn Ata illah As-Sakandâri


C’est une forme de dépouillement intérieure qui nous vide de notre avidité de pouvoir matériel et immatériel ainsi que de nos pulsions égocentriques. Cette attitude ne se confond pas avec une résignation à la violence qui est infligée ou dont nous sommes porteurs. Elle ne fait pas l’économie de la quête de justice. Il s’agirait plutôt d’épargner à nos cœurs les tourments et la peur dues à ces causes secondes, ce qui rend notre action mesurée, apaisée, juste et belle.


La spiritualité vise à polir le cœur sur lequel les aléas glissent tel des gouttes de rosée sur des pétales de fleurs. Elle nous épargne la surenchère de la violence en privilégiant systématiquement le pardon tant intérieurement qu’extérieurement (quand il est à notre portée) :


« Repousse (le mal) par ce qui est meilleur ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. » (Coran 41, 34)


Si la force du mal est libre d’agir, le message divin salvateur vient libérer le cœur humain de son emprise. Mais alors, n’est-il pas étrange que ce même message divin laisse une place à la violence ?


Telle est la deuxième question devenue de nos jours une obsession. Le paradoxe posé par le Coran peut sembler à première vue frappant : d’un côté certains versets appellent au combat ou à des châtiments corporels ou encore décrivent l’atrocité des punitions en enfer. D’un autre côté, bien des versets appellent à l’amour, au service du bien, de la vie, des créatures ou alors rappellent la dignité irréductible et inconditionnelle de l’être humain ainsi que la miséricorde de Dieu envers Ses créatures qui englobe tout et dépasse Sa colère.

I.S


De la rahma – miséricorde


Par ailleurs, le nom « Ar Rahman » occupe une place privilégiée parmi les noms divins. Il faut rappeler qu’il est issu du mot « rahm » qui renvoie à l’utérus ou à la matrice.


« Rahman » évoque l’amour maternel et Maurice Gloton le traduit par « rayonnant d’amour ».

Ce nom est au cœur de la formule qui inaugure chaque chapitre du Coran hormis un seul dans lequel elle se trouve dans son corps comme dans chacun des actes les plus intimes du croyant. Là aussi des injonctions et leurs opposés peuvent être entremêlés dans le texte dont l’ordre chronologique de la révélation n’est pas respecté dans l’agencement des sourates, ce qui suscite un questionnement : Des assertions se trouveraient-elles cachées dans leurs opposés en analogie avec les propos du cheikh Al Alawi ?


Il semble que ce paradoxe s’est imposé dans le passé de la même façon et avec la même acuité que de nos jours. Il a émergé d’un rapport moderne au Coran, rapport fortement problématique mais où on trouve des germes dans des doctrines antérieures.


Un tel rapport n’est pas le propre des Extrémistes religieux mais il se trouve aussi chez leurs opposant.e.s qui ne font que les renforcer en fin de compte. Formant des miroirs en abyme, ces deux camps figent les versets du Coran dans un sens immédiat, unique, apparent, définitivement établi. Le tiers exclus a de l’emprise et l’unicité du sens est de mise, ôtant ainsi au Coran son enracinement historique, sa portée symbolique et métaphysique :


« ces symboles nous les élaborons pour les êtres humains mais ne les comprennent que ceux qui ont la connaissance » (Coran 6, 97 ; 2,164 ; 30, 22)

I.S


Du contexte et de la polysémie


Les versets relatifs au combats ont été pris en leur sens littéral, essentiellement pendant la confrontation avec les mecquois hostiles à Muhammad et aux musulman.e.s ou alors lors des grandes invasions mongoles et les croisées. Autrement, ils ont inspiré une multitude d’interprétations ésotériques. Cette approche polysémique du Coran est l’antidote à l’approche réductrice moderne. Elle est au cœur de la tradition spirituelle et remonte à l’époque de la révélation.


Il faut rappeler qu’il n’y a pas de texte sans contexte. Les premiers qui ont formulé cela sont les exégètes. Ainsi Tabari par exemple dit que pour un verset, il y a 50 interprétations. La polysémie du sens du coran a ainsi durée pendant les 23 ans de la révélation et continue de durer. Cela jusqu’à la fin des temps.


Il faut savoir relativiser le texte à son contexte et ne jamais l’utiliser comme prétexte pour un nouveau contexte sinon on prend en otage le texte. En effet, en ce qui concerne certains versets coraniques, notamment le verset dit de l’épée (dans la sourate 9), dès qu’on se réfère au contexte, ce dernier est éclairant. Le texte « démine » le terrain.


Il est facile / paresseux d‘être dans l’unidimensionnalité et le sens unique. Dieu nous dit que Sa miséricorde englobe toute chose (Coran 7, 156) et que le prophète a été envoyé comme une miséricorde pour les mondes. (Coran 21, 107).


Toujours en ce qui concerne la polysémie du texte, on peut rappeler les propos d’Ali ibn Abu Talib, cousin et compagnon de Muhammad, qui aurait dit que « les merveilles du Coran ne s’épuisent point ».


Ainsi, le Coran comporte de multiples possibilités d'interprétations. Le compagnon du prophète Abû al-Dardâ' dit également :


« On n'a pas une compréhension [fiqh] totale de la religion tant qu'on ne voit pas dans le Coran de nombreux aspects - faces » (wujuhân kathîra).


A l’aube du 20ème siècle, le cheikh El Alawi a développé et ravivé une sagesse s’ouvrant sur des interprétations infinies du livre sans cesses renouvelées. Il en est de même de l’émir Abd El Kader qui interprète la jahanama – l’enfer comme étant le fait d’être privé de la vision divine. D’ailleurs dans une de ses interprétations par rapport au Coran il dit que le fait de détruire un arbre c’est empêcher un nom divin de se manifester. Cela est au-delà de la morale asséchée..


« Dieu se révèle à chacun selon sa capacité de recevoir les manifestations de Sa Très Sainte Beauté. » Cheikh El Alawi


C’est à travers cette beauté que la connaissance s’articule avec l’amour dont l’objet est aussi la beauté. La création de la beauté, à l’image de la création effectuée par Allah, est en soi un acte d’adoration, un tremplin vers l’élévation spirituelle.


Or, le réductionnisme ne se contente pas d’ôter les sources ésotériques du Coran, et cela de la part des deux camps déjà mentionnés. Il consiste aussi à réduire l’Islam lui-même à un texte, réduisant ainsi la portée de son héritage civilisationnel et artistique.


Il est plus que jamais nécessaire de raviver la flamme de ces visages et de cet héritage comme source d’inspiration pour un nouveau cycle. Ces maîtres innombrables, femmes et hommes, ont professé l’Islam comme la religion de l’amour et pourtant ce n’est pas malgré l’Islam que ces étoiles célestes ont illuminées orient et occident mais bien grâce à lui.

"I.S." "E.G" "G.B"


La question de l’érudition et de la connaissance


Renée Guenon fait une distinction entre l’érudition qui est la quantité et la connaissance qui elle est infuse, elle est divine. Elle vient du cœur, et quand elle sort, elle va également vers le cœur. Le Coran, quand il parle des savant.e.s, de celles et ceux qui possèdent cette science, va les mettre en relation avec la crainte révérencielle de Dieu.

S.R


Il faut également rappeler que la violence est inhérente à l’Homme dans le contexte de chute. Certes, il n’y a pas de péché originel en Islam mais il y a une chute : Sourate 95, 4-5 : Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite. Ensuite, Nous l’avons ramené au niveau le plus bas.


C’est le scénario du meurtre d’Abel par Caïn. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a le « ila – sauf » : « sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres : ceux-là auront une récompense jamais interrompue. » (Coran 95, 6) qu’on retrouve également dans la sourate 103 : « Par le Temps! L’homme est certes, en perdition, sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres, s’enjoignent mutuellement la vérité et s’enjoignent mutuellement l’endurance. »


Ce « ila – sauf » dans le Coran est salvateur. La vraie nature de l’humain est la fitra qui correspond à voir Dieu en chaque visage. Mais il y a cette fausse nature, tronquée par la culture humaine. Dans la quête spirituelle, le croyant va remonter la pente.

E.G


Violence, hikma – sagesse et rahma - miséricorde


La violence, c’est « l’ignorance – jâlihiyya » :


Quand ceux qui ont mécru eurent mis dans leurs cœurs la fureur, [la] fureur de l’ignorance – fi qouloubihimoul djamiyyatal jâlihiyyati (Coran 48, 26)


Nous ne devons pas oublier que la jâlihiyya est aussi en nous. Le Violent est celui qui est violent d’abord envers lui-même, qui se méprise et qui va mépriser l’autre. On est dans cette horizontalité et la spiritualité va apporter de la verticalité.


Il faut ainsi user de sagesse. D’ailleurs c’est ce qui a fait que le prophète a pu assumer sa mission :


« C’est par quelque miséricorde de la part d’Allah que tu (Muḥammad) as été si doux envers eux! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). Et consulte-les à propos des affaires ; puis une fois que tu t’es décidé, confie-toi donc à Allah, Allah aime, en vérité, ceux qui Lui font confiance. » (Coran 3, 159)


Il ne s’est pas montré grossier et avait cette rahma - miséricorde englobante pour accueillir même les personnes les plus brusques et dures. La hikma – sagesse désarme les cœurs. Ainsi la rahma et la hikma désarment la violence.


Sur le modèle muhammadien, la sagesse c’est d’être visionnaire et d’aller au-delà de la violence. Ainsi, le successeur du cheikh Alawi, cheikh Adda Bentounès disait que le Violent se trompait de cible et d’énergie car il négativise une énergie positive. Il dit par exemple que les gens font la guerre par amour, tout comme d’ailleurs les arabes faisaient la guerre par honneur. L’amour est donc dévoyé.


Comment la spiritualité peut-elle transmettre la violence primaire ?


En fait, nous [nous collectif] n’avons pas su nourrir ces jeunes parti.e.s en Syrie ou ailleurs pour faire le soi-disant djihad. Ils ont vécu leur existence comme étant négative alors qu’elle était positive. La transmutation spirituelle, c’est cette citation de Junayd :


« Le soufi est comme la terre : on y jette tout ce qui est vil, et il n’en sort que du beau. »


La spiritualité développe une conscience englobante exclusive. Précisément cette « rahma - miséricorde / matrice de la mère » doit, de même qu’une mère, supporter les agissements même pénibles de ses enfants. En quelque sorte, elle supporte sa création.


Le Violent (et ce dernier peut-être nous-même), lui, exclue et s’exclue d’abord. Ces jeunes qui partent au djihad ne s’excluent-ils pas d’eux-mêmes d’abord de la société dans laquelle ils vivent ? Ils se donnent la mort, et comme un animal, avant de mourir, sont à ce moment-là les plus durs.


Dans le Coran, il est dit : « A Allah seul appartiennent l’Est et l’Ouest. Où que vous vous tourniez, la Face d’Allah est donc là, car Allah a la grâce immense; Il est Omniscient. » (Coran 2, 115), sans mentionner une direction. Les musulman.e.s ne sauraient donc renier une quelconque face fusse-t-elle la pire puisque partout est la face de Dieu.


« Votre ennemi est en vous » Ali ibn Abu Talib


Malheureusement les réponses données à ces problèmes de violence ne sont pas suffisant et si nous (musulman.e.s) nous taisons, nous pourrions être tenu.e.s comme comptables et responsables de cette violence et c’est pour cela que nous devons parler.

"E.G" "G.B" "K.B"


Il ne s’agit pas de se justifier mais de rappeler et d'enseigner tout le patrimoine de spiritualité qu’il y a en Islam et qui va dans le sens de ce que Gandhi appelle la non-violence. Ainsi, le syrien Jawdat Sa’id a écrit en 1964 « La doctrine du premier fils d’Adam et la violence islamique » dans lequel il aborde le verset 28 de la sourate 5 :


« Et raconte-leur en toute vérité l’histoire des deux fils d’Adam. Les deux offrirent des sacrifices ; celui de l’un fut accepté et celui de l’autre ne le fut pas. Celui-ci dit: « Je te tuerai sûrement ». « Allah n’accepte, dit l’autre, que de la part des pieux. Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n’étendrai pas vers toi ma main pour te tuer: car je crains Allah, le Seigneur de l’Univers. » (Coran 5, 27-28)


Jawdat Sa’id disait que les gens disent que la mythologie (au sens étymologique du terme) adamique de l’aventure humaine a commencé par un meurtre alors que non, en réalité, elle a commencé par un refus d’un meurtre. Il inverse donc le regard.


Nous devons également nous ouvrir sur les autres traditions et faire la distinction entre ce qui relève de la grâce et par conséquent ne dépend pas de nous et de nos actions mais qui est en quelque sorte un cadeau, et, ce qui relève d’une certaine pédagogie. Ce qui relève de la grâce peut être résumé par ces propos du prophète Ézéchiel :


Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j'ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Ézéchiel 36, 26

G.B

Choeur Alawiya

CONCLUSION


Dans la vie il y a de l’autre. L’autre en tant qu’autre pour soi mais aussi soi-même en tant qu’un.e autre pour l’autre et cela il ne faut pas l’oublier. Il est important de décentrer notre regard et cela d’autant plus qu’on a besoin de l’Autre même lorsqu’il nous déplait.


En effet, l’Autre, lorsqu’il nous déplait, nous met en demeure de répondre à la seule question qui vaille : que vas-tu faire à ce moment-là de ton frère l’Homme ? Vas-tu réagir avec violence ou vas-tu subsumer cette violence intérieure ? Une fois de plus la sourate 103 est éclairante à ce sujet.


Il est aussi important dans chaque situation de ne pas condamner l’être tout en condamnant l’acte car ne l’oublions pas l’être a une dignité consubstantielle dans la dignité de l’humanité toute entière.


De plus, tant que nous monopolisons l’Islam et essayons de faire du prophète un prophète à nous les musulman.e.s, et du Coran un livre à nous uniquement, alors nous n’avons pas compris cette rahma qui est inclue dans ce message spirituel.


Hélas, de nos jours, l’Islam est devenue une religion idéologique et politique. On parle même d’États islamiques et on inscrit dans la constitution que la religion c’est l’Islam. Ainsi, l’Islam devient une religion de l’État. Nous devons libérer l’Islam de cela et lire le Coran comme il a été révélé, c’est-à-dire s’adressant directement à nous.


Enfin, rappelons que nous devons revoir nos certitudes et nous rappeler que nous sommes dans la finitude afin de ne pas prendre nos opinions pour des vérités éternelles. Le prophète nous enseigne que l’Être sera avec celui/celle qu’il a aimé, et, on ne peut pas aimer Dieu sans aimer les Hommes ou encore en faisant violence à Ses créatures.


« Lorsque Dieu eut terminé l’œuvre de la Création, II écrivit sur Son Livre, qui se trouve par-devers Lui, au-dessus du Trône : « Certes, Ma miséricorde l’emporte sur Ma colère ! » (hadith)

« Les créatures sont la famille de Dieu et le plus proche de Dieu c’est celui qui leur fait le plus de bien. (hadith)


"G.B" "I.S" "K.B."


Montage photos antidote violence

Ci-dessous un aperçu des chants qui ont ponctué la rencontre que j'ai souhaité partager avec vous malgré la qualité sonore et des photos. Merci d'être indulgent à ce niveau..



Wa Allahou a’lam – Et Dieu est Le plus Savant !

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