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[Conte soufi] L'invité repu


contes

C’est un vieux conte soufi qui nous dit qu’un homme vint voir un jour, Bahaudin Naqshband et lui dit :

« J'ai voyagé, je suis allé de maître en maître, j'ai étudié de nombreuses voies. J'en ai reçu de grands bienfaits et retiré maints avantages. Je voudrais maintenant me joindre au cercle de vos disciples, que je puisse m'abreuver à la source de la connaissance, et progresser de degré en degré sur la voie spirituelle, (la tariqa). »

Bahaudin ne répondit rien, mais demanda que l'on servit le dîner. Lorsqu'on eut apporté le riz et le ragoût, et que son hôte s'en fut restauré, le maître insista pour qu'il en reprît. Et cela, à plusieurs reprises. Puis il lui fit offrir des fruits et des gâteaux, et demanda des légumes, des salades, et des confitures, cela en abondance. L'invité, voyant que Bahaudin semblait ravi lorsqu'il avalait, mangea autant qu'il le pouvait.


Quant son appétit paraissait faiblir, le sheikh s’en montrait fort contrarié. Aussi, le malheureux convive ingurgita presque un deuxième repas. Et quand son invité fut dans un état tel qu'il dût s'allonger sur des coussins, Bahaudin lui dit: « Quand tu t'es présenté devant moi, tu étais aussi plein d'enseignements non digérés que tu l'es maintenant de viande, de riz, de fruits et de confitures. Tu te sentais fort mal à l'aise. »

« Parce que tu ne sais pas ce qu'est le vrai malaise spirituel, tu as pris cette sensation pour celle de la faim, la faim de connaissances nouvelles. En réalité, ce dont tu souffrais, c'était d'indigestion. Je peux t'instruire si tu es prêt maintenant à suivre mes directives, prêt à rester ici avec moi le temps qu'il faudra. »

« Car il te faudra digérer ce que tu crois savoir, au moyen d'activités qui ne te sembleront pas initiatiques mais qui sont pourtant l'équivalent de la substance nécessaire pour digérer un repas comme celui-là, afin de le transformer en nutriments plutôt qu'en graisse. ». Et le visiteur accepta bien volontiers cette proposition.

Il raconta son histoire des dizaines d'années plus tard, alors qu'il était devenu le grand maître Sufi Khalil Ashrafzada.



Source : Jacques Henri Prévost - Cambrai - 2016

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