Kitab al Wasâyâ - Paroles en or, Ibn 'Arabi : Respecte l’honneur du grand comme du petit (30)
Par le Nom d'Allah, le Tout-Rayonnant d'Amour, le Très-Rayonnant d'Amour
Recommandation 30 : Respecte l’honneur du grand comme du petit
Attache-toi à considérer chaque Musulman en tant que Musulman et instaure l’égalité entre eux comme l’Islam introduit l’égalité entre leurs essences concrètes. Surtout ne te dis pas : celui-ci possède le pouvoir, l’autorité, le prestige, les biens et la grandeur, et celui-là est petit, pauvre et vil. Respecte l’honneur du grand comme du petit et considère l’Islam tout entier comme une seule personne et les musulmans comme les membres de cette personne. Il en va de même de l’Islam. En effet l’Islam n’existe que par les musulmans au même titre que l’Homme n’existe que par ses membres et toutes ses facultés manifestes et latentes. Ce que nous venons d’indiquer est ce que l’Envoyé de Dieu considère dans une tradition bien établie en disant : « Les musulmans sont égaux dans le sang ; le plus inférieur d’entre eux bénéficie de leur protection et ils sont unis contre autrui ».
De même, le Prophète a dit : « Les musulmans sont comme un seul homme : lorsque son œil souffre, il souffre tout entier, et lorsque sa tête souffre, il souffre tout entier ».
Grâce à cette représentation, donne à chacun sa position de la même façon que tu confères à chacun de tes membres ce qui lui convient et ce pour quoi il a été créé. Ainsi tu baisses ton regard par rapport à ce qui n’est pas fourni par l’ouïe, tu prêtes ton oreille à ce qui n’est pas donné par la vue et tu déploies ta main dans ce qui n’est pas du ressort de ton pied et ainsi de suite pour l’ensemble de tes puissances, en conférant à chacun de tes membres la position pour laquelle il a été créé. Et puisque les Musulmans partagent une même foi et une même appartenance à l’Islam et qu’entre eux tu établis une parfaite égalité, accorde au savant son droit à être respecté et écouté, à l’ignorant son droit à être rappelé et incite à rechercher la science et le bonheur, à l’insouciant son droit en le réveillant du sommeil de l’insouciance en lui rappelant ce qu’il a omis parmi les choses qu’il connaît et ne met pas en pratique. Il en va de même pour celui qui obéit et pour celui qui désobéit. Et accorde au sultan son droit d’être écouté et obéi dans ce qui est licite d’accomplir ou d’abandonner. Ainsi dois-tu écouter et obéir à son ordre et à son interdit. Il revient ainsi à l’ordre et à l’interdit du sultan, ce qui était auparavant licite, qu’il s’agisse d’une obligation ou d’une interdiction, en vertu du commandement prescrit par Dieu dans la Parole divine : « Ainsi qu’à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité » (Coran, 4/59).
Accorde au petit son droit à la bienveillance, à la miséricorde et à la tendresse, et concède au vieillard son droit au respect et à la considération, ainsi que la sunna nous l’enseigne, car il est bien établi que l’Envoyé de Dieu a dit : « Ne fait pas partie de nous celui qui ne fait pas miséricorde à nos petits et ne reconnaît pas la noblesse de nos vieux ». Dans une autre version de ce hadith : « Et qui respecte nos vieux ». Tu dois aussi faire miséricorde et respecter toutes les créatures quelles qu’elles soient car il s’agit des créatures de Dieu, et de Ses serviteurs, même s’ils ont désobéi et même si les uns sont plus méritants que les autres. Car lorsque tu fais cela tu es récompensé. En effet l’Envoyé de Dieu a dit qu’ « En chaque être vivant, il y a une gerbe de récompense ».
Ne vois-tu pas le hadith où il est question d’une femme adultère des Banu Isra’il qui passa près d’un puits où se trouvait un chien dont la langue pendait à cause de la soif ? En voyant l’état dans lequel il se trouvait, elle enleva l’une de ses chaussures qu’elle remplit d’eau et lui donna à boire. Dieu a loué son geste et l’a pardonnée à cause d’un chien. De même, al-Hassan al-Wajih qui était d’origine persane et qui enseignait à Maltyya sur le gouverneur de Boukhara – qui était un despote qui se faisait beaucoup de tort à lui-même – qu’il vit un jour de grand froid un chien galeux grelottant de froid. Il ordonna à l’un de ses gradés de prendre ce chien pour l’amener chez lui où il le mit dans un endroit chaud et le fit nourrir et boire, ce qui le réchauffa. Ce gouverneur vit en songe ou entendit une voix (le doute vient de moi) qui l’interpellait en ces termes : Ô untel ! Tu étais un chien et nous t’avons offert un chien. Quelques jours après ce gouverneur mourut et un grand nombre de gens assista à ses funérailles en raison de sa compassion pour un chien.
Or qu’est un chien par rapport a un musulman ?
Fais donc le bien et ne te soucie guère de celui pour lequel tu le fais car tu seras toujours celui qui le mérite. Adopte chaque qualité louable tant qu’elle fait partie des nobles vertus, orne-t’en et sois son réceptacle en raison de sa noblesse auprès de Dieu, et en raison de l’éloge qu’Il fait d’elle. Cherche donc les vertus, et fuit les vices, et considère les gens comme une seule file, sans t’arrêter devant leur éloge ni devant leur dénigrement, sauf qu’il te faut accorder la préséance au plus méritant dans l’ordre décroissant si tu veux faire partie de ceux qui observent devant Dieu les règles de bienséance que Dieu a prescrit aux croyants par la bouche des Messagers – que la Paix soit sur eux -.
Et sache que le Croyant est pour le Croyant comme l’édifice solide qui se tient grâce à ses parties bien cimentées. En effet, il n’y a dans le monde que celui qui est prosterné pour Dieu, sauf certaines créatures parmi les djinns et les humains. C’est que dans le même Homme parmi eux il y a beaucoup de parties qui glorifient Dieu et se prosternent pour Lui et il y en lui ce qui ne se prosterne pas et c’est celui pour qui le châtiment s’impose. Regarde, d’ailleurs, la Parole divine : « Ô qui avez la foi croyez en Dieu » (Coran, 4/136), Il Les a appelés croyants et leur a ordonné de croire. Dans la première qualification, il s’agit de la foi en général, car Dieu a dit à l’encontre d’un certain nombre de gens : « Ceux qui croient aux fictions » (Coran, 29/52). Dans la deuxième qualification, il s’agit de la particularisation de la croyance et c’est ce qui fait l’objet d’un ordre pour le serviteur. La première forme constitue une reconnaissance de leur part sans qu’elle soit liée à une charge, car il s’agit d’une reconnaissance sur la base d’une connaissance, dont la plus aisée, chez les fils d’Adam, c’est lorsque Dieu les a fait témoigner contre eux-mêmes en disant : « Et lorsque ton Seigneur eut tiré, des reins des fils d’Adam, leur propre postérité, et qu’Il les fit témoigner contre eux-mêmes » (Coran, 7/172), témoigner de la foi dans la demeure du pacte prééternel. Il les a ainsi appelés croyants en les interpellant puis Il leur a ordonné de croire dans l’autre situation. Mais Il n’a nullement évoqué le tawhid (Affirmation de l’Unicité divine) absolu par miséricorde pour eux car Il est Celui qui dit : « La plupart d’entre eux n’ajoutent pas foi en Dieu sans Lui donner des associés » (Coran, 12/106) ; il s’agit de l’associationnisme caché dont nous avons déjà parlé. C’est pourquoi Il a dit : « Croyez en Dieu » et non : « croyez en l’Unicité de Dieu ». En effet celui qui croit en l’existence de Dieu a cru et celui qui croit en Son unicité n’a pas associé. C’est que la croyance est une affirmation et l’affirmation de l’unicité de Dieu est une négation de l’associé. Or, parmi les Noms de Dieu, il y a Al – Mu’min, qui appuie le croyant créé [le Sécurisant, le Rassurant..] . Le Prophète a dit : « Que Dieu fasse miséricorde à mon frère Loth qui se réfugiait auprès d’un pilier solide » qui est le Nom Al – Mu’min. Donc le croyant est un appui pour le croyant. Comprends-le bien !
Extrait Kitab al Wasâyâ - Paroles en Or d'Ibn 'Arabi, traduit en français par Mohamed Al-Fateh.