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La notion de djihad an nafs - Savoir, purification et démarche spirituel 3/5


Islam & Spiritualité

Le coran nous invite à méditer sur les signes et sur la création mais rappelons qu’il y a deux révélations :

La révélation divine, au travers des textes sacrés et de ses ayah – signes ou versets,

Et l’univers, la création comme révélation, qui regorge également de signes qui nous enseignent.


Nous leur montrerons Nos signes dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'il leur devienne évident que c'est cela (le coran), la Vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoins de toute – chose ?

Coran 41, 53

Dieu, c’est celui qui a créé les cieux et la terre et qui, du ciel, a fait descendre l’eau ; grâce à laquelle Il a produit des fruits pour vous nourrir. Il a soumis à votre service les navires qui, par Son ordre, voguent sur la mer. Et Il a soumis à votre service les rivières. Et pour vous, Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle révolution. Et Il vous a assujetti la nuit et le jour. Il vous a accordé de tout ce que vous Lui avez demandé. Et si vous comptez les bienfaits de Dieu, vous ne sauriez les dénombrer. L’Homme est vraiment très injuste, très ingrat.

Coran 14, 32 – 34


C’est pourquoi, le Musulman doit s’intéresser à la création, l’observer, méditer et chercher à la comprendre, tout en ayant conscience que son savoir, aussi important soit-il, n’est que l’équivalent d’une goutte d’eau dans l’immensité de l’univers.


Par ailleurs, la recherche du savoir (sacré comme profane) est considérée en islam comme étant un devoir pour tout Musulman. On constate d’ailleurs que l’âge d’or de l’islam fut entre autre une période d’essor du savoir (religieux et profane). Le musulman et la musulmane modernes devraient donc, tout comme leurs prédécesseurs, cultiver leur esprit et chercher à développer leurs connaissance : connaissances sur soi, sur le microcosme et sur le macrocosme de façon générale.


En outre, pour pouvoir lutter contre une chose, il faudrait au préalable la connaître. C’est ainsi que, le djihad an nafs passe par la connaissance de soi. A ce sujet, un propos attribué au prophète Muhammad nous enseigne :

« Celui qui se connaît, connait son Seigneur. »

Suyûtî, Kitâb al-durar al-muntathira, harf al-mîm ; ‘Ajlûnî, Kashf al-khafâ’, n° 2532


Selon Ibn ‘Arabî, ce hadith, s’il n’est pas authentifié par sa chaîne de transmission, il l’est par le dévoilement spirituel.


On peut également lire cette sentence dans Le Livre du Dedans de Rumi :

« L’Homme est un livre, en lui toutes les choses sont écrites, mais les obscurités ne lui permettent pas de lire cette science à l’intérieur de lui-même. »


De plus, le coran atteste d’un lien, d’une corrélation, entre la connaissance (du profane et du sacré) d’une part, qui élève et enseigne, et, d’autre part, la conscience, la compréhension et la piété :

Que ne voyagent-ils sur la terre afin d’avoir des cœurs pour comprendre, et des oreilles pour entendre ? Car ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent.

Coran 22, 46

Il y a pareillement des couleurs différentes parmi les Hommes, les animaux et les bestiaux. Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent Dieu. Dieu est certes Puissant et Pardonneur.

Coran 35, 28


Les versets ci-dessous témoignent également de l’importance de l’observation et de la méditation dans la recherche du savoir :

En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Dieu et méditent sur la création des cieux et de la terre (disant) : « Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi ! Garde-nous du châtiment du Feu. »

Coran 3, 190 – 191


Selon la conception islamique, les résultats de ce travail de recherche de connaissance s’exprimeraient pleinement chez les individus qui polissent et purifient leurs cœurs. Cependant, il est inutile de se glorifier de posséder le savoir car comme le soutien René Guenon au chapitre 4 de son livre « La crise du monde moderne », le savoir ne se possède pas, mais se découvre. Par ailleurs, il n’y a pas de nouvelles idées ou de nouveaux savoirs, il y a uniquement des idées et des savoirs nouvellement connus par l’Homme puisque la création et la science pré existent au psychisme et à la connaissance humaine. L’Homme ne fait donc que les découvrir (ou non), et, cela de façon relativement complète et jamais totale. Une fois de plus l’exigence d’humilité s’impose à lui.


Le travail intérieur permettrait à l’Homme de se libérer de tout ce qui entrave son cœur (passions, orgueil..) et le maintien dans une illusion de connaissance. C’est ainsi que l’on constate que beaucoup de savants Musulmans étaient également des sages mystiques (soufis) et/ou ont fréquentés des soufis (sages mystiques). Rappelons que ces derniers travaillent notamment sur les mystères du cœur et sur l’intériorité. C’est le cas par exemple de l’imam Abû Hanîfa (85-150H), de l’imam Mâlik Ibn Anas (95-179H), de l’imam Shâfi’î qui nous a laissé de magnifiques poèmes, de l’imam Al Ghazâli (450-505) ou encore, plus récemment, de Nana Asma’u, cette princesse, poétesse, enseignante, savante, diplomate et femme politique africaine du 20ème siècle.


En outre, s’il y a des signes qui élèvent en l’Homme, le khalife – lieutenant (lieu – tenant) de Dieu sur terre et dans la création, le coran ne nie pas le potentiel destructeur de l’être humain :

Lorsque Ton Seigneur confia aux anges : « Je vais établir sur la terre un vicaire « khalifa ». Ils dirent : « Vas-tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ? » Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas ! »

Coran 2, 30


Ce passage nous montre en effet que les anges ont connaissance du potentiel destructeur intrinsèque à l’Homme. On constate également, notamment avec l’usage du terme « khalîfa », un dérivé du verbe « khalafa » signifiant étymologiquement « celui qui prend la place de », « remplaçant de », que cet être à qui Dieu a appris les noms des choses a un rôle à jouer sur terre et une responsabilité malgré son potentiel destructeur. Ce khalif, Dieu ne disparaissant pas, est donc un « vice gérant », un « lieutenant (lieu – tenant) de Dieu sur terre ».

Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les charges de faire le bien et d’éviter le mal notamment). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l'Homme s'en est chargé ; car il est très injuste [envers lui-même] et est très ignorant.

Coran 33, 72



Islam & Spiritualité

L’humain a donc une responsabilité et deux polarités liées à sa nature :

L’une, rattachée à la fitrah, et que s’il cultive, le conduira à l’excellence, au succès et à la félicité,

Et, l’autre, négative, potentiellement destructrice, conduisant à l’injustice et à la corruption.


C'est ainsi que dans la cosmologie musulmane, le cheminant s'efforce au djihad de la connaissance (« intérieure » et « extérieure ») et du savoir (profane et sacré), car la création recèle de signes, de secrets et de trésors indénombrables qui élèvent le cœur averti vers les réalités supérieures. Cela allié au djihad an nafs – lutte ou résistance contre son potentiel destructeur, son nafs – ego, c’est-à-dire, faire un travail de purification intérieure pour faciliter l'élévation.

Ô vous qui avez cru ! Ne suivez pas les pas du Diable. Quiconque suit les pas du Diable, [sachez que] celui-ci ordonne la turpitude et le blâmable. Et n’eussent été la grâce de Dieu envers vous et Sa miséricorde, nul d’entre vous n’aurait jamais été pur. Mais Dieu purifie qui Il veut. Et Dieu est Audient et Omniscient.

Coran 24, 21

Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée ; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt.

Coran 91, 7 – 10


La conséquence du djihad an nafs, de cet effort de purification, est que le comportement extérieur de l’individu portera l’empreinte de sa lumière intérieure. Par ailleurs, l’esprit de l'individu accédera à la connaissance directe par son Maître – Enseignant (Rabbi) et se rapprochera de Lui et de celles et ceux qui sont qualifiés de justes dans les textes sacrés des religions monothéistes :

Dis : « Je suis en fait un être humain comme vous. Il m’a été révélé que votre Dieu est un Dieu unique ! Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur, qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration aucun autre à son Seigneur ».

Coran 18, 110

Par le Temps ! L’Homme est certes, en perdition, sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres, s’enjoignent mutuellement la vérité et s’enjoignent mutuellement l’endurance.

Coran 103, 1 – 3

A ceux qui croient et font de bonnes œuvres, Le Tout Miséricordieux accordera Son amour.

Coran 19, 96

La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Dieu, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quel qu’amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Salat et d’acquitter la Zakat. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux !

Coran 2, 177


Bibliographie



La crise du monde moderne, René Guenon (Gallimard, 1973)

Le Livre du Dedans, Rumi (Actes Sud, 2010)

Le Saint Coran (traduction en langue française, Dar Al-Bouraq)

Les Confessions, Saint Augustin (Augustin d'Hippone) (Flammarion, 1993)

Les Quarante hadiths de l'imam An-Nawâwî (avec commentaires) par cheikh Al-'Uthaymîn (Al Madina, 2012)

Muhammad, vie du prophète, Tariq Ramadan (Archipoche, 2008)

Riyad as salihin (Le Jardin des vertueux) (Dar Al-Gharb al Islami, 1994)

Soufi, mon amour, Elif Shafak (10/18, 2011)

Vie et enseignement de Tierno Bokar, Amadou Hampaté Ba (Points, 2014)


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